Eres et périodes chronologiques
Eres et périodes chronologiques
Nous utilisons aujourd’hui l’ère chrétienne. Elle a peu à peu supplanté tous les autres modes de supputation [supputation : calcul chronologique sur un calendrier], mais elle n’est pas la seule utilisée dans le monde (cf. l’Hégire, point de départ de la chronologie musulmane, c’est-à-dire le 16 juillet 622 de notre ère).
Ce fut seulement dans la première moitié du VIe siècle que l’ère chrétienne fut inventée et proposée comme moyen de compter les années par un moine de l’Eglise romaine, originaire de la Scythie, computiste et canoniste, nommé Denys le Petit (Dionysius exiguus), mort avant 556. Il a fixé au 25 décembre de l’an de Rome 753 la date de la naissance du Christ et fait coïncider l’an 1er de l’ère chrétienne avec l’an de Rome 754. Rappelons que l’ère de la fondation de Rome – fixée par Varron à la 3e année de la 6e Olympiade (soit 753 avant J.-C. pour l’ère chrétienne) – utilisée par les chroniqueurs, ne fut pas usitée dans les actes.
L’usage de désigner les années d’après ce système se propagea peu à peu après la mort du moine Denys, d’abord en Italie, dans les actes privés. Ce ne fut que sous le pontificat de Jean XIII (vers 968-970) que les lettres apostoliques commencèrent à porter la date de l’ère chrétienne. En Gaule, elle apparaît pour la première fois au milieu du VIIe siècle pour dater des capitulaires de Carloman et de Pépin, maires du palais ; mais il faudra attendre plus d’un siècle encore pour la voir figurer à peu près régulièrement dans les diplômes des souverains. L’emploi ne s’en généralisa dans l’occident de l’Europe qu’après l’an mille, d’où le nom de millésime donné au chiffre qui sert à exprimer cette date.
Périodes chronologiques : séries composées d’un certain nombre d’années ayant servi à la supputation du temps. On trouve les termes Olympiades, période de 4 années, et indiction, période de 15 années, dans certains documents du Moyen Age.
- La supputation par Olympiades fut introduite en Grèce par l’historien Timée (352 – 256 avant J.-C.) ; il choisit de se baser, pour calculer le temps, sur les jeux olympiques ayant lieu tous les quatre ans et dont la liste des vainqueurs remontait à l’an 776 avant J.-C. L’Olympiade était donc à la fois une ère (calculée à partir d’un point de départ) et une période chronologique de quatre années. On exprime les dates d’après ce système en indiquant le chiffre de l’année de la période et le nombre des périodes. Par exemple, la 1re année de notre ère correspond à la 1re année de la 185e Olympiade. Cette manière de supputer les années fut d’un usage courant en Orient et en Occident jusqu’au IVe siècle ; elle fut alors remplacée par le compte des indictions.
L’expression « olympiade », après avoir longtemps disparu, se retrouve dans quelques chartes du Xe et du XIe siècles mais avec un sens différent de celui qu’elle avait auparavant. La seule notion qui subsistât était celle de période de quatre ans. Les clercs qui l’employaient alors ajoutaient à l’année du règne un chiffre d’Olympiades, c’est-à-dire le nombre de périodes de quatre ans que comprenait la durée du règne du souverain.
- L’indiction, dans l’empire romain, désignait le montant de l’impôt foncier dont l’assiette était révisée tout les quinze ans. Le sens du mot indiction s’étendit bientôt et désigna d’abord l’année financière et plus tard, la période quindécennale comprise entre deux révisions des matrices cadastrales. Plus tard encore, on imagina de se servir de cette période de 15 années dans les supputations chronologiques. C’est au règne de Constantin qu’on fait généralement remonter cet emploi de l’indiction. Il est dans tous les cas certain que c’est sous son règne, en l’année 313 après J.-C., qu’a été fixé le point de départ du compte des indictions.
Au point de vue chronologique, les indictions sont donc des périodes conventionnelles de quinze années dont la première commence en l’an 313 après J.-C. ; mais, à la différence de ce qui avait lieu pour les Olympiades, on n’exprimait jamais, en datant d’après ce système, le nombre de périodes écoulées depuis le commencement de la première, mais seulement le rang qu’occupait l’année dans la période ; de ce fait, cet élément chronologique sert moins à déterminer une date d’année de l’ère chrétienne qu’à la vérifier lorsque celle-ci est elle-même indiquée ou qu’on a pu la fixer à l’aide d’autres éléments (ans de règne ou autres concordances quelconques)
D’après Arthur GIRY, Manuel de diplomatique, 1894.