Accueil > Découvrir : Offre culturelle > Histoire(s) en partage > Promenades vélocipédiques 1
Le Journal du Lot du 9 juin 1888 nous informe que « La création d’un Véloce-club est presque décidée à Cahors. Nos velocemen ont formé le projet de donner une journée de courses vers la fin de juin. Tout est parfaitement fixé, le programme arrêté, la piste trouvée ; il ne manque plus que le nerf de la course, l’argent, et aussi l’autorisation du conseil municipal.
Les organisateurs de cette fête se proposent de faire appel au conseil municipal pour qu’une subvention leur soit accordée. Cette somme jointe au produit d’une souscription permettra, espérons-le, à nos velocemen d’organiser une fort belle fête ».
Les courses se déroulent le dimanche 19 août – jour de la fête de la Saint-Roch – sur les quais cadurciens entre la place Champollion et la place Saint-Laurent (Journal du Lot du 18 août 1888.) Ce numéro annonce le programme des courses de vélocipèdes à partir de 3 heures et demi :
« 1re course. Régional : bicycles (3000 mètres) ; prix unique : un objet d’art.
2e course. Vélocipèdes en bois (2000 mètres). Prix unique : un vélocipède en fer.
3e course. Tricycles pour enfants. Une boîte de bonbons.
4e course d’honneur, handicap (3000 mètres). Une boîte londrès.
Vu le nombre de coureurs étrangers qui demandent à prendre part à ces courses, la commission se réserve le droit de modifier le programme ».
Un bal champêtre se tiendra à l’issue des courses. Le soir, un bal de nuit prendra le relais tandis qu’une « fête vénitienne » illuminera la ville entre le pont neuf et le pont Saint-Georges.
Le Journal du Lot du 21 août 1888 relate le succès de la fête rehaussée d’un éclat inusité par les prestations des velocemen : « De nombreux amateurs de vélocipèdes avaient répondu à l’appel des organisateurs et les quatre courses, auxquelles assistait une foule énorme de curieux, ont présenté le plus vif intérêt ».
L’idée de la création d’une société vélocipédique à Cahors poursuit son chemin : « Il y a quelques temps, il avait été question de la création d’une société vélocipédique à Cahors. Cette idée, qui semblait abandonnée, prend de nouveau consistance, et ce puissant projet pourrait avoir, dans un avenir tout à fait prochain, un commencement de réalisation.
Les exercices vélocipédistes, en même temps qu’ils intéressent ceux qui n’ont pas le temps et les moyens de s’y livrer, sont excellents pour ceux qui s’y livrent. La création d’une société vélocipédique sera donc favorablement accueillie par tous, ne serait-ce que pour le surcroît d’éclat qu’elle donnera aux fêtes auxquelles cette société prêtera son concours » (Journal du Lot du 2 mars 1889).
Les tenants de cette société en germe participent à une première sortie informelle le 10 mars, mais le Journal du Lot du 17 mars annonce que la vraie sortie officielle se tiendra le dimanche 17 mars, avec « une course de 50 à 60 kilomètres ».
Le Journal du Lot du 13 avril 1889 fait savoir que vient d’avoir lieu à la mairie, la première réunion des vélocipédistes cadurciens, désireux de s’organiser en société. « La jeunesse de Cahors a su comprendre combien était agréable et utile l’exercice du vélocipède ; aussi s’est-elle rendue nombreuse à l’appel de la commission provisoire. Quarante-cinq membres actifs se sont fait inscrire et de nouvelles adhésions paraissent assurées. MM. Costes, maire, le préfet du Lot et le général Verrier ont été acclamés présidents d’honneur ». Le président quant à lui – M. Laroussilhe – installe immédiatement le bureau et donne aux membres du club « l’assurance qu’ils peuvent compter en toute occasion sur son dévouement à la vélocipédie et à la prospérité de la société ».
La première course d’entrainement du Véloce-club cadurcien se déroule le dimanche 28 avril 1889 : « Le point de départ était fixé au faubourg Saint-Georges, maison Alazard. Le virage était au bourg de Montcuq, de telle sorte que les coureurs eurent à effectuer un parcours de cinquante kilomètres » (Journal du Lot du 2 mai 1889).
Cinq courses de vélocipèdes sont organisées à l’occasion des fêtes du centenaire de la Révolution le 5 mai 1889. Concours de tir et de gymnastique sont aussi de la fête, programme sportif venant agrémenter les attractions habituelles : « concerts, cirques, chevaux de bois et autres amusements » (Journal du Lot du 7 mai 1889).
« L’an 1889 et le 4 juin, un grand nombre de membres du Véloce-club cadurcien, se sont réunis dans une des salles de la mairie, à l’effet de constituer une nouvelle société vélocipédique sous le nom de Cycle-club cadurcien. Dès l’ouverture de la séance, M. Valette (aîné), se faisant l’interprète de leurs sentiments, a remercié M. le maire de Cahors de la bienveillance avec laquelle il a mis à la disposition de la nouvelle société une salle de la mairie ; il a également remercié les nombreuses personnes présentes de l’empressement avec lequel elles ont répondu à l’appel qui leur a été fait. Il a enfin déclaré qu’il fallait au plus vite préparer les statuts du Cycle-club. A cet effet, l’assemblée, composée de quarante-trois personnes, a nommé à l’unanimité une commission d’initiative de 11 membres. De nombreux membres ont ensuite donné leur adhésion à la nouvelle société. A l’issue de la séance, la commission d’initiative s’est réunie afin de commencer ses travaux » (Journal du Lot du 6 juin 1889).
Les statuts seront adoptés à l’unanimité lors de la séance du 8 juin 1889. Ce même jour, les membres du bureau définitif sont élus ; il est composé d’un président, deux vice-présidents, d’un secrétaire, d’un secrétaire adjoint – archiviste, d’un trésorier et d’un capitaine de route cf. Le Journal du Lot du 15 juin 1889. Il faut toutefois attendre 1890 pour que le club soit officiellement créé et autorisé à fonctionner légalement. Son siège social est alors situé au « Grand café Tivoli ».
Ce même mois de juin 1889, le Véloce-club cadurcien organise des courses dans deux autres villes du Lot.
Au programme à Souillac – outre la course d’honneur – trois types de courses : bicycles et bicyclettes (3000 mètres) ; tricycles (2400 mètres) ; bicyclettes (1800 mètres). « Malgré les difficultés qu’ont eu les coureurs pour obtenir une piste non encombrée par les curieux, les courses ont eu lieu sans accident. A cinq heures a eu lieu le lancement d’un ballon, qui a très bien réussi. La course nautique, à laquelle neuf barques ont pris part, a eu lieu aussi à la même heure sur la Dordogne. L’illumination de l’avenue Gambetta, de la mairie et des édifices publics a été très réussie » (Journal du Lot du 20 juin 1889).
Le Journal du Lot du 27 juin 1889 donne le programme des « courses internationales de vélocipèdes » organisées à Gourdon le dimanche 30 juin avec deux courses : bicycles et bicyclettes (3000 mètres) et tricycles (2000 mètres). La course d’honneur est obligatoire pour tous les lauréats de la journée.
Plusieurs des membres du Veloce-club cadurcien ont concouru aux courses qui ont eu lieu ce même jour, 30 juin, à Agen (Journal du Lot du 2 juillet 1889).
On ne connait pas la date exacte de l’assemblée constitutive du club figeacois. Mais on sait que les statuts officiels ont été déposés en 1890 (cf. un courrier du ministère de l’intérieur datant d’octobre 1890 : 4 M 59).
Lesdits statuts sont très détaillés au fil de 25 articles, prévoyant le rythme des réunions ordinaires, des assemblés générales, des séances extraordinaires, du montant des cotisations …
« Article 1. La Société vélocipédique a pour but
1° de favoriser et répandre le goût et l’usage de la vélocipédie.
2° de rechercher dans ses applications diverses un moyen efficace pour le développement des forces physiques et la création d’un corps de vélocipédistes pouvant dans des circonstances déterminées être employé utilement pour un service public.
3° de concourir à l’éclat des fêtes de bienfaisance, aux fêtes publiques par des courses organisées de concert avec les administrations municipales ou les organisateurs de ces fêtes.
4° Enfin, d’entretenir avec toutes les sociétés vélocipédiques des relations tendant à créer ou à resserrer les liens d’une bonne confraternité et à favoriser de la sorte l’existence et le succès de l’œuvre commune.
Article 2. La société donne plusieurs courses par an, elles sont annoncées au moins huit jours à l’avance. […]
Article 23. Toute discussion étrangère aux travaux de la société est interdite.
La société s’interdit rigoureusement toutes discussion politique ou religieuse. […]
Article 25. L’uniforme que la société croira devoir adopter pour ses membres devra différer complètement des uniformes militaires. Il est interdit d’employer pour les gradés, les insignes distinctifs adoptés dans les armées de terre et de mer et la même prohibition est étendue aux médailles qui ne devront en rien ressembler aux décorations nationales ou étrangères ni même aux médailles d’honneur ».
On ne dispose pas des statuts primitifs du véloce-club de Cahors, mais de leur révision datant du tout début de 1895. Pour l’essentiel, ils sont similaires à ceux de la société figeacoise. Y figure toutefois une nouveauté d’importance : Les « dames » entrent dans la danse dans l’article 4 : elles sont admises comme membres actifs et honoraires ! L’article 26 quant à lui nous renseigne brièvement sur le rôle « du capitaine et du lieutenant de route » : ils sont « chargés d’organiser de concert des sorties vélocipédiques destinées à développer le goût et la pratique du vélocipède ». On aurait aimé en savoir davantage !
Les véloces-clubs suivants adoptent les mêmes dispositions d’ensemble dans des statuts plus brefs que ceux des deux villes pionnières. Ils se donnent pour but essentiel de favoriser et de développer le goût et l’usage du vélocipède (cf. 4 M 59).
A noter : les statuts de la société Gramatoise nous donne la définition des différents membres : « Sont membres actifs tous ceux qui, ayant leur domicile dans le canton de Gramat, possèdent un vélocipède. Sont membres honoraires ceux qui, n’ayant pas de vélocipède, prennent part aux travaux de la société et en favorisent le développement. Les membres correspondants sont ceux qui habitent hors du canton de Gramat, qu’ils possèdent ou ne possèdent pas un vélocipède » (4 M 59). En supplément du capitaine et du lieutenant de route, les statuts stipulent l’existence d’un « commissaire » mais n’indique pas le détail de sa fonction.
Seul le Véloce-club de Souillac prévoit l’admission des « dames » comme membres actifs, honoraires et correspondants.
L'éclosion des véloces-clubs s'insère dans le maillage plus large des associations de loisirs de plus en plus nombreuses dans les années 1890. Le vélo occupe une place de choix dans le tissu associatif en plein développement qui ne va cesser de s'affirmer sur tout le territoire du département.
Chaque société s’adonne très vite au rituel annuel d'un rassemblement convivial. Dès le 17 janvier 1891, le Véloce-club Figeacois organise son banquet : « Cette petite fête a été marquée par le plus parfait entrain et la plus franche cordialité » (Journal du Lot du 22 janvier 1891).
Le 16 décembre 1900, celui du Véloce-club cadurcien rassemble 112 convives au buffet de la gare. Le président salue dans son discours les « sociétés cadurciennes amies qui nous ont habitué à une camaraderie qui nous est précieuse, à un esprit de solidarité dont nous serons toujours heureux de resserrer les liens : l’Avenir, l’Aviron cadurcien, la Cigale et ce splendide Orphéon » (Journal du Lot du 18 décembre 1900).
Le splendide orphéon en question n’est autre que la première société chorale créée en 1861 : « L'Orphéon de Cahors ». « L'Avenir cadurcien » est une fanfare créée en mars 1895 et la « Cigale divonienne », une « jeune société de mandolinistes » venant effectivement d’être créée en octobre 1899 (cf. 4 T 22). « L'Aviron cadurcien » quant à lui est la société nautique de la ville de Cahors créée en 1892, dont les statuts ont été officiellement déclarés en 1893.
Ainsi, face aux sociétés musicales – les premières créées, non seulement à Cahors, mais dans de nombreuses villes, voire villages lotois (cf. 4 T 22) – le sport nautique occupe au chef-lieu du département une place aussi essentielle que le vélo. En 1921, les statuts du club de l’Aviron cadurcien sont modifiés : la société nautique devient plus largement une société sportive, avec trois comités techniques : l’aviron ; le rugby et l’athlétisme ; la gymnastique et la préparation militaire.
Les sociétés de gymnastique se développent d'ailleurs un peu partout dans le département dans les années 1920 et 1930 (cf. 4 M 59).
Rappelons pour clore ce bref tour d'horizon que la société savante locale a vu le jour à Cahors en 1872 : la « Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot », aujourd'hui simplement appelée Société des études du Lot, et qui va donc fêter ses 150 ans en décembre 2022. Mais ceci est une autre histoire...