Menu

Accueil > Découvrir : Offre culturelle > Histoire(s) en partage > Promenades vélocipédiques 2

Découvrir : Offre culturelle

Promenades vélocipédiques Etape 2

Archives départementales du Lot. Collection de cartes postales des AD : 9 Fi 3092

La mode du vélocipède

Le souffle du vent de la « vélocipédomanie » et ses aléas

« Il souffle depuis quelques jours sur notre ville un vent de vélocipédomanie qui fait véritablement rage et qui, s’il est hygiénique pour ceux qui en sont atteints, tend à devenir dangereux pour les promeneurs indifférents. Quand nous avons applaudi sincèrement des deux mains, à la création d’une société vélocipédique, nous avons cru encourager la création d’un élément de distraction et non de de "destruction" locale.
Pendant quelques jours, en effet, les signes avertisseurs, fréquemment répétés, faisaient ressembler notre boulevard Gambetta à une avenue des Champs-Elysées au petit pied.
Mais il parait que la chose dégénère en abus. Les nombreux vélocipédomanes qui sillonnent nos boulevards et nos principales rues, négligeant de prendre les précautions ordinaires vis à vis du public : son de trompe le jour et éclairage quand c’est la nuit qu’ils circulent, les vélocipédomanes deviennent un réel danger.
Au commencement de la semaine, un vieux brave homme a eu un pied foulé par un individu inexpérimenté dans la conduite de son véhicule. Et pour montrer que son impudence allait de pair avec son imprudence, comme la victime indignée bousculait homme et monture, le vélocipédiste se fâchait en criant qu’on lui détériorait son instrument, car il parait que de même que pour certains membres de la société protectrice des animaux, un chat vaut autant qu’un enfant, pour certains vélocipédistes, leur monture est plus intéressante qu’une personne ; un membre humain est assimilé par eux à un ressort quelconque de leur mécanique, quand ce dernier n’est pas préféré.
Mercredi matin, en plein marché, un boulanger chargé de pains a été victime d’un accident très grave : pris en plein dos par le véhicule, il est tombé si malheureusement qu’il est resté un gros moment sans connaissance. Et comme ces messieurs, quand ils n’ont pas de mauvais procédés n’en ont d’aucune sorte, l’auteur de l’accident aurait pris la poudre d’escampette, si un agent ne l’avait vivement saisi au collet.
Mercredi soir, vers les huit heures et demie, le sieur R. J., typographe a été également renversé près du théâtre, sans que le vélocipédiste ait fait les signaux d’usage, ni éclairé son instrument. La victime de cet autre accident n’a fait heureusement que s’allonger dans la poussière pendant que son auteur continuait prestement sa route, sans présenter la moindre excuse.
L’auteur de ces lignes a failli être, le même soir, victime de pareil accident à l’entrée de la rue du lycée et à celle de la nuit, comme aurait dit feu Commerson.
Pour éviter le retour de pareil faits et conjurer les dangers que pourraient faire courir, particulièrement aux femmes et aux enfants, les courses nocturnes des vélocipédistes, on devrait les inviter à aller le soir sur les routes, vierges encore de promeneurs, se livrer à leur exercice favori, et pour les courses diurnes, leur interdire l’accès des endroits très fréquentés, comme les alentours du marché et le marché lui-même. Un flâneur » (Journal du Lot du 20 avril 1889).

La nécessité de réglementer l’usage du vélocipède en ville

« A la suite d’un nouvel accident, heureusement sans gravité, nos confrères de La Dépêche et de La Petite Gironde demandent qu’un arrêté de police soit pris pour réglementer les exercices des jeunes vélocipédistes dans l’intérieur de la ville. Nous croyons savoir que la municipalité donnera sous peu satisfaction à cette juste demande et désignera les routes, rues et avenues, sur lesquelles les vélocipédistes pourront habituellement se livrer à leur distraction favorite.
Il serait surtout urgent d’interdire aux vélocipédistes le parcours du boulevard et des allées Fénelon, après la tombée de la nuit » (Journal du Lot du 1er juin 1889).
Difficile de ne pas faire le parallèle avec l’apparition des trottinettes sur les trottoirs…

Vélocipédie militaire : de nouvelles montures pour les estafettes

« Le ministre de la guerre a décidé, à la date du 11 juillet 1888, que les expériences faites aux manœuvres en 1887 sur l’emploi du vélocipède comme moyen de transmission des ordres et dépêches seraient continués aux prochaines manœuvres d’automne.
En conséquence, un certain nombre de vélocipédistes, appartenant à la réserve de l’armée active ou à l’armée territoriale, pourront être - sur leur demande et après examen - convoqués pendant les manœuvres d’automne en 1888, à titre de vélocipédistes militaires. […]
A défaut de réservistes et de territoriaux, des vélocipédistes étrangers à l’armée pourraient être admis à prendre part aux manœuvres, à condition de se conformer à toutes les obligations militaires. Les vélocipédistes, en raison de leur service, recevront pendant la période des manœuvres l’indemnité journalière de 2 francs 50 à l’exclusion de la solde et de toute prestation en nature. Ils seront armés du revolver et pourront à leur frais remplacer le pantalon et les guêtres par la culotte et les jambières.
Ils pourront employer un vélocipède, tricycle, bicycle ou bicyclette, à la seule condition que l’instrument soit solide et en bon état.
Les vélocipédistes qui désirent prendre part aux manœuvres dans ces conditions, devront adresser leur demande avant le 5 août à la gendarmerie de leur domicile qui s’assurera, par une enquête, que le postulant a l’habitude du vélocipède. Les candidats seront ensuite convoqués pour passer un examen devant des commissions constituées à cet effet dans chaque chef-lieu de département, à une date qui sera fixée ultérieurement » (Journal du Lot du 4 août 1888).
Le Journal du Lot du 6 juin 1889 confirme qu’au ministère de la guerre « la vélocipédie militaire va recevoir une organisation depuis longtemps attendue ». D’après une circulaire de M. de Freycinet aux commandants de corps d’armée, chaque régiment d’infanterie de l’armée active aura quatre vélocipédistes choisis sur leur demande, parmi les hommes exercés dans la réserve et de l’armée territoriale. Ces vélocipédistes recevront une indemnité journalière, mais, détail à noter, devront fournir eux-mêmes leur instrument de service .

Les courses cyclistes : le point d’orgue de la célébration des fêtes nationales

Le centenaire de l’ouverture des Etats généraux en 1789 le dimanche 5 mai 1889 à Cahors.
« Notre vieille cité eût brillamment célébré le centenaire de l’ouverture des Etats généraux en 1789, si le ciel, persistant à se montrer mauvais depuis de longs mois, ne nous avait gratifiés d’une de ces ondées diluviennes dont il se montre si prodigue.
Dès la veille, la fête avait été annoncée, selon l’usage antique, solennel et bruyant, par une salve de 21 coups de canon et par la sonnerie générale des cloches.
Dimanche matin, les façades des édifices publics et celles des maisons particulières étaient pavoisées de nombreux drapeaux aux couleurs nationales qui claquaient fièrement au souffle de la brise printanière. Les rayons vermeils d’un soleil de mai s’étaient aussi mis de la partie et le ciel sans nuages semblait promettre un beau jour. 
Sur la foule immense qui se pressait, endimanchée dans les rues et sur nos promenades, on eût dit qu’il planait comme le frémissement d’un grand souvenir évoqué. C’est que ce n’est pas un centenaire de petite importance que la France célébrait avant-hier […].
C’est à deux heures que la fête publique a véritablement commencé. Le cortège officiel est parti de la mairie ayant à sa tête la Musique cadurcienne et l’Orphéon. […] Quand le cortège a été à proximité du kiosque [inauguré ce jour-là], la musique militaire, déjà installée, a entonné la Marseillaise et les fêtes ont commencé. Disons qu’on n’a rien négligé pour les rendre attrayantes : courses de vélocipèdes, concours de tir et de gymnastique, concerts, cirques, chevaux de bois et autres amusements avaient attiré et distrait une foule énorme dans l’après-midi. Les jeunes et ravissantes marchandes d’objets commémoratifs du centenaire, si artistement et coquettement arrangées, n’étaient pas un des moindres attraits … Mais une pluie torrentielle a fondu sur nous […]
Ce qui n’empêche pas que le soir, le ciel étant devenu moins farouche, les allées Fénelon étaient bondées de monde venu pour écouter le concert où la Musique cadurcienne alternait avec l’Orphéon, très applaudis l’un et l’autre, et à la distribution des récompenses des concours de gymnastique, de tir et des courses de vélocipèdes. […]
Hier lundi, les fêtes ont continué comme la veille, avec à peu près les mêmes jeux et un temps meilleur […] En somme, Cahors - qui ne veut pas et ne doit pas rester en arrière – a brillamment et gaiement fêté le centenaire de l’indépendance nationale » (Journal du Lot du 7 mai 1889).

Le vélocipède : l’invité d’honneur de la fête votive

Si elle rehausse les fêtes publiques nationales, la bicyclette devient de proche en proche la reine des attractions des fêtes locales : fête votive (de dévotion), appelée aussi fête patronale (en l’honneur du saint patron protecteur de la paroisse). Et progressivement, chaque localité ou presque va vouloir sa course !
Frayssinet
C’est le journal Le Gourdonnais du samedi 8 septembre 1894 qui nous donne le programme de la fête votive :
« Samedi 22. – Retraite aux flambeaux, salves d’artillerie.
Dimanche 23. – Jeu du baquet, de la poêle, de la cruche, mât de cocagne, course aux ânes, cavalcade avec chars, course de vélocipèdes. Fête de nuit : feu d’artifice, ascension d’un ballon, retraite aux flambeaux, bal.
Lundi 24. – Course aux canards, mât de cocagne sur l’eau, concours de grimaces ».
Martel
« La fête votive de Martel promet de dépasser en éclat la fête des années précédentes. Les membres de la commission et les habitants, commerçants ou autres, rivalisent d’entrain pour la rendre charmante. Voici le programme :
Samedi 19 août 1905.
A 6 h. et demi du soir, réception de la musique de Gourdon et annonce de la fête par des salves d’artillerie. A 10 h. retraite aux flambeaux.
Dimanche 20 août.
Réveil par des salves d’artillerie ; à 10 h. grand défilé en musique.
A 1 h. place de la Halle, jeu du plan incliné. A 1 h. et demi, place de la Bride, jeu du colin-maillard.  A 2 h. cours des fossés, bal champêtre. A 5 h. place Gambetta, grand concert.
A 9 h. superbe illumination avec motifs nouveaux ; embrasement général de la promenade des fossés ; bataille de confetti et retraite aux flambeaux. A 9 h. et demi, brillant feu d’artifice et départ d’un ballon, bal de nuit.
Lundi 21 août.
A 2 h. bal champêtre sur les fossés. A 2 h. et demi, route de Meyssac, jeu des cerceaux pour enfants. A 3 h. cours de la Fontenelle, course aux ânes. A 4 h. place du Cerf, course en sac.
A 4 h. et demi, courses vélocipédiques avec nombreux prix ; la musique se fera entendre pendant les courses.
A 5 h. concert sur la place de la Halle. A 10 h. du soir, nouvelle bataille de confetti.
N.B. Les fêtes seront agrémentées de nombreuses attractions foraines.
Le meilleur accueil sera réservé aux étrangers qui voudront bien se rendre dans la localité. La commission » (Journal du Lot du 18 août 1905).

Les courses cyclistes figureront ainsi au programme d’un grand nombre de fêtes votives en tant qu’attraction favorite jusque dans les années 1950/1960. Citons par exemple la Course organisée par le stade cadurcien lors de la vòta de Saint-Médard-Catus le 15 juin 1958 (1 W 470). 

Les cyclistes entrent dans la danse

Chaque véloce-club, dès sa création, instaure un banquet annuel. Au fil du temps, avec la vogue croissante des bals au début du XXe siècle, ils organisent chaque année leur propre soirée dansante
Le « bal des Rois » du Véloce-sport cadurcien
« Continuant une tradition établie, notre excellent club doyen, le Véloce-sport cadurcien, organise pour le vendredi 17 janvier courant (1930), son grand bal annuel, dit « bal des Rois ».
Pour cette soirée dansante, toujours si impatiemment attendue de la jeunesse cadurcienne et qui remporte chaque année un si vif succès, un orchestre de choix avec jazz-band fera alterner danses anciennes et modernes.
En outre, plusieurs divertissements originaux ont été prévus par les organisateurs.
D’abord, une distribution de surprises et l’élection d’une reine des sports et de ses deux demoiselles d’honneur, au moyen de la célèbre galette des Rois. De superbes cadeaux seront offerts à leurs majestés.
Au cours de la soirée aura lieu un concours de fox-trot et de valse, doté de nombreux prix.
D’ores et déjà, on peut prédire un vif succès au bal annuel du Véloce-sport qui prélude si heureusement aux manifestations sportives de notre club doyen. Le prix des cartes d’entrée a été fixé à 5 francs. On peut d’ores et déjà s’en procurer chez MM. Duthil et Estradel, coiffeurs » (Journal du Lot du 8 janvier 1930).
Qu’on se le dise !

En résumé : un peu de vocabulaire

Véloce – très usité dans le dernier tiers du XIXe siècle et souvent écrit veloce – est tout simplement l’abréviation de vélocipède.
De façon très schématique, vélocipède est un terme générique qui désigne tout engin roulant à deux ou trois roues, de dimensions inégales, voire extrêmement inégales. Bicycles et tricycles en tout genre, avec l’invention de la pédale dans les années 1860, sonnent le glas de la draisienne mue par la poussée alternative des deux pieds sur le sol. Draisienne, dérivé du nom de son inventeur : le baron Drais de Saverbrunn.
Les innovations techniques successives – dont l’invention du pneumatique – vont permettre d’arriver à la bicyclette comportant deux roues de dimensions égales, la roue arrière étant motrice. A partir de là, le vélo va pouvoir se répandre largement et devenir un véritable moyen de locomotion.
Ainsi, d’une pratique uniquement sportive, assez acrobatique – essayez dont de monter sur un bicycle, ou encore mieux, un grand-bi, ou de rouler avec des roues en bois… – on passe à un usage concret et utile au plus grand nombre.
Dès lors, on peut partir sur les chemins, à bicyclette…






Archives départementales du Lot. Le Gourdonnais du 8 septembre 1894 Archives départementales du Lot. Le Journal du Lot du 18 août 1905 Archives départementales du Lot. Le Journal du Lot du 8 janvier 1930 Archives départementales du Lot. Fonds Benech, Gourdon : 32 Fi

Votre panier
Mon panierActualitésLot.fr - Le département
Retrouvez-nous sur FacebookPlan du site | Nous contacter | Mentions légales | Crédits