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Découvrir : Offre culturelle

La Guêpe du Quercy

La Guêpe du Quercy, 20 juin 1886. Archives départementales du Lot : 1 Per 22/1

Journal politique, satirique et littéraire. Episode 2

Savez-vous ce qu’est un Calicot ?

La Guêpe du Quercy n° 3 du dimanche 20 juin 1886 nous l’explique :
« Les calicots. Il y a longtemps que tous ceux qui, par leur mise excentrique, leurs manière empesées, leur maintien emprunté, leur langage raffiné, en un mot, leur façon grotesque de poser, ont voulu se distinguer de leurs concitoyens et se sont toujours attirés de la part de ceux-ci des sobriquets, quelques fois même des quolibets ».

Gommeux, pschutteux et autres victimes de la mode

« Tout d’abord, sous le Directoire, nous avons vu les Incroyables, plus tard vinrent les Lions, les Muscadins, les Raffinés, etc. De nos jours, on voit les gandins, petits crevés, les gommeux, les Pschutteux, les Boudinés, les Faucheurs, les Dévissés, en attendant le tour des agonisants, des Putrilagineux et des Cadavéreux, etc. ; on ne sait pas où s’arrêtera la bêtise humaine.
Cette manie de se rendre ridicule a commencé à Paris et dans les grands centres, puis peu à peu elle a gagné la province où il y eut peu de succès pour ce genre de maladie qui ne doit pas être bien contagieuse, heureusement pour notre faible humanité.
Cette mode prit tard dans les petites villes ; dans celles du Midi principalement, surtout dans la région du Sud-Ouest, elle subit un ou deux changements de nom, mais ce fut tout. Dans le Lot, dès 1848 environ, on désigna sous le nom de calicots, les jeunes gens qui cherchèrent à singer les Lions, les Muscadins et les Raffinés.
Le calicot est une toile connue de tout le monde et l’origine de ce sobriquet vient de là, en ceci que les jeunes gens petits commis de magasins de nouveautés, ou autres, avec de très maigres salaires et une fortune plus que médiocre, furent les premiers à vouloir paraitre d’un rang plus élevé dans la société qu’ils ne l’étaient en réalité. Ils voulaient faire les gens riches, de bonne compagnie qui, eux, sont bien élevés et simples sans arrogance ; les pauvres diables ne réussirent qu’à être bouffons.
Leur morgue hautaine et prétentieuse, leurs gestes empesés, leur maintien raide, leur démarche, tout cela enfin parut si sot et si absurdement bête qu’on ne les connut plus que sous le sobriquet de Calicots, en souvenir de leur petit et peu prétentieux métier.
Les gamins les appelaient ainsi à haute voix quand ils ambulaient avec une raideur qu’ils cherchaient à rendre imposante et majestueuse, ils les chansonnaient :

Calicot roppat
Boulguet crou’pas n’frat
N’ajet pas d’arjen
Per poga counten
Paouré calicot
Passo té d’aco ».

Calicot vêtu d’un vieux manteau voulut acheter un frac.

Il n’eut l’argent pour payer comptant. Pauvre Calicot, passe-toi de tout cela !

La pédanterie et l’arrogance des nouveaux Calicots Figeacois

« Si ce type n’a subi aucun changement de nom, il a eu cependant une transformation sociale. Le Calicot est aujourd’hui conseiller municipal ; il est devenu riche en aunant très juste et en faisant des arrangements avec les maisons de commerce.
Examinez le bien ce haut personnage bouffi d’orgueil lorsqu’il se promène en voiture ou à pied avec son épouse, sa progéniture et sa parenté, le dimanche ; il regarde le monde d’un air dédaigneux, pour un peu il dresserait procès-verbal à ceux qui ne courbent pas l’échine en le saluant ; voyez-le toiser les passants avec cette majesté ridicule qui vise à la distinction ; l’humilité lui conviendrait mieux, mais il croit être plus digne en étant fier, pédant et arrogant. Il se rengorge lorsqu’un agent de police le salue humblement, il a l’air de dire : « Voyez, manants, je suis un homme officiel, je suis plus que vous, moi !!! »
Malheur au pauvre fonctionnaire qui lui manquerait de respect, en ne le saluant pas, il lui apprendrait comment il s’appelle, ah mais ! … Cela me fait souvenir d’une belle histoire très authentique et très récente ».

Un Conseiller-Calicot ou Calicot-Conseiller bête à brouter le long des buissons

« Une nuit, un pauvre chanteur comique, en rigolant avec sa compagne dans la rue, eut le malheur de frôler du coude la devanture du Calicot-Conseiller. Notre honorable furieux sort de sa boutique et : « Que voulez-vous à cette heure ? Il est 10 h. Voulez-vous donc enfoncer ma devanture, mille Dieux ? Si vous tenez à ce que j’appelle les agents de police, vous n’avez qu’à recommencer », etc.
« Monsieur, excusez-nous de vous avoir dérangé, répondit l’artiste en goguenardant. Je plaisantais avec ma compagne en revenant du concert et nous n’avions pas un brin l’intention de vous faire du mal, pas plus qu’à votre boîte que nous n’avons nullement endommagée ».
Le Calicot-Conseiller d’un air superbe : « Vous êtes un insolent ; savez-vous qui je suis, Môssieur ? Je suis Conseiller municipal, et je peux vous faire arrêter ».
Oh ! Oh ! s’écrient les deux artistes en pouffant de rire et en voyant le butor se gonfler à crever, veux-tu-te taire, truand, et ils s’en vont en riant comme des fous.
Le lendemain, le Calicot s’est vengé de l’insolence commise à l’égard du Conseiller ; les deux pauvres chanteurs se sont vu retirer l’autorisation de chanter à Figeac. Ah ! s’il avait pu les empêcher dans tout le département, certes, il l’eut fait avec joie. Jugez donc, insulter un conseiller municipal de Figeac, chez lui, la nuit, dans sa rue, c’est très grave, savez-vous !!! … Il est heureux pour les deux chanteurs que cet homme bête à brouter le long des buissons, n’ait pas eu le bras assez long, il les aurait fait crever de faim.
Je termine aujourd’hui ces lignes par le refrain que nos gamins chantaient il y a une trentaine d’années :

Ne faites pas tant de vos embarras
Tas d’calicots qu’vous êtes
Ne faites pas tant de vos embarras
Car ça ne vous va pas ».

Tunique neuve et cravate blanche

« Les jours de triomphe du Calicot-Conseiller sont ceux où il fait sa visite au sous-préfet, le premier de l’an, ou à son arrivée ; ensuite lors de la distribution des prix du collège et de l’école communale.
Ces jours-là, il est rayonnant ; il endosse la tunique neuve, il met la cravate blanche et se casque du tuyau de poêle. Il se hausse, il cambre, il se prélasse, il fait le gros dos. Ce qui l’ennuie, ce sont les gants qui le gênent et les mains dont il ne sait que faire.
Le jour où le Conseiller-Calicot sera reçu aux soirées de la sous-préfecture, il se gonflera tellement que, comme la grenouille du bon La Fontaine, il éclatera dans sa peau.
Pauvre Calicot, pourquoi ne restais-tu pas à ta place ? E. Leardy ».


A noter :
Le terme calicot désigne effectivement communément une toile de coton assez grossière, de qualité très ordinaire.
Utilisé au XIXe siècle pour dénommer un « commis élégant, un employé de magasin de nouveautés »,
il sert ainsi à qualifier dans un sens péjoratif un employé de magasin subalterne cf. le Trésor de la langue française disponible en ligne

https://www.cnrtl.fr/definition/calicot

 

 


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