Accueil > Découvrir : Offre culturelle > Trésors d'archives > Livre de reconnaissances féodales du XIVe siècle
En 2017, la série G a fait l’objet d’un retraitement pour intégration du G supplément non classé. A cette occasion, lors de l’examen d’un lot de parchemins mutilés et remis à plat par un restaurateur, il fallait l’œil avisé d’un paléographe pour déceler une unité dans différentes feuilles et reconstituer de la sorte un livre de reconnaissances datant de 1333. En l’état, le document est composé de sept feuilles de parchemin écrites recto/verso. Elles étaient initialement pliées en leur centre pour constituer des cahiers de quatre parchemins assemblés par un fil de reliure. Chaque face foliotée présente ainsi l’aspect d’un bifeuillet ; le texte est entouré de marges de justification comme dans un ouvrage actuel.
Dans le cas présent, un cahier complet de quatre parchemins – un quaternion – a pu être reconstitué. Avec ses 16 pages de texte continu, il forme la composante principale du livre dont le foliotage subsistant court de 58 à 65. Trois feuilles de parchemin isolées viennent le compléter, l’une ayant perdu son foliotage, les deux autres étant foliotées 69 et 82. Ce qui montre que le document initial comprenait, au minimum, 41 feuilles de parchemin.
Ce livre est fragmentaire et pour cause : il a été démantelé pour que ses feuilles de parchemin servent de couverture à des registres ! Pratique regrettablement assez courante au XIXe siècle… au mépris de toutes les dispositions réglementaires régissant la conservation des archives. Le support – le parchemin – prend alors un caractère uniquement utilitaire. Mutilé, rogné, découpé… pour s’adapter à sa nouvelle fonction : couvrure de registres administratifs que l’on pense dignes d’être protégés. Ici, en l’occurrence, des registres d’état civil de la ville de Cahors. Mutilation d’archives médiévales pour en préserver de nouvelles… Les retailles périphériques pour s’adapter au format à couvrir font souvent disparaître le numéro de folio, parfois même aussi bien-sûr, du texte.
Ces quelques éléments à présent réunis constituent le document le plus ancien des archives épiscopales (série G), très lacunaires, et le seul document médiéval, conservé sous la cote G 161. Unique aussi car c’est le seul livre de reconnaissances en faveur de l’évêque ; soit ici, une vingtaine de reconnaissances consenties en 1333 à Bertrand de Cardaillac par les tenanciers de biens situés à l’extrémité méridionale du diocèse, dans les paroisses de Divillac (Lot) et dans celles de Nevèges, Saint-Géraud-de-Labarthe, Sepfonds et Monteils (Tarn-et-Garonne). Les actes, rédigés en latin, ont été enregistrés par le notaire cadurcien Bartholomeo de Bedorio. Il s’agit des droits afférents à la seigneurie directe de l’évêque ; le livre dresse un inventaire des redevances qu’il tire de ses terres et que les tenanciers reconnaissent lui devoir.
Dans le répertoire décrivant les pièces isolées de la série J (du J 1 à 1000) publié en 1992, six autres parchemins viennent d’être repérés comme pouvant être complémentaires. Ayant eux aussi servi de couvertures, ils portent tous des reconnaissances à l’évêque Bertrand de Cardaillac.
En premier lieu, le J 195 enregistré par le même notaire, B. de Bedorio, à la même date, 1333, et pour une même localisation géographique, plus précisément Montalzat (Tarn-et-Garonne) et Belfort-du-Quercy (Lot), laisse clairement supposer son appartenance au codex conservé sous la cote G 161. Son folio 98 porterait alors à 49 le nombre de feuilles de parchemin initiales.
les cinq autres parchemins décrits dans le même répertoire indiquent des reconnaissances enregistrées ultérieurement par le notaire B. de Bedorio pour Albas en 1334 (J 86) et par Durandus de Croc pour Cahors en 1340 et 1341 (J 196, J 379).
On peut ainsi espérer, au fil des classements et des restaurations de registres, en retrouver d’autres… Tous ces actes, établis plusieurs années après le début de l’épiscopat (1324), ne sont pas liés à une mutation d’évêque. Ils témoignent d’un appel à reconnaissances destinées à fixer et pérenniser les contours de la seigneurie directe de l’évêque au sud du Quercy. Cet ensemble constitue peut-être les vestiges d’un cartulaire. La question reste ouverte… et le puzzle n'est pas terminé !