Accueil > Découvrir : Offre culturelle > Trésors d'archives > Gazogène : la revue de l'art brut, singulier, outsider et des expressions marginales
Originaire des Hauts-de-Seine, Jean-François Maurice (1947-2014) découvre le Lot dans les années 1970 et s’y installe définitivement en 1985, d’abord à Cahors, puis à Bélaye vers 2006. Professeur de philosophie, bibliophile et passionné d’art brut dans le sillage de Jean Dubuffet, il devient rapidement l’un des acteurs importants de la vie culturelle du département : « Nos critères viennent de l’Art brut inventé par J. Dubuffet, de la littérature prolétarienne initiée par Henry Poulaille, de l’esprit libertaire enfin » cf. n° 19.
Pendant une trentaine d’années, outre la rédaction de la revue Gazogène, Jean-François Maurice anime des rencontres et des conférences dans son atelier cadurcien, organise ou participe à des expositions - dans la sphère lotoise bien sûr, mais aussi dans celle, plus large, des musées dédiés aux formes singulières de l’art. Parallèlement, il entre lui-même en création au début des années 1990. Au fil du temps, il rassemble une importante collection d’œuvres d’art populaire.
Véritable « découvreur » et « passeur », Jean-François Maurice a voué sa vie à l’exploration de l’art en marge et à la rencontre de nombreux créateurs singuliers, qu’ils soient du Lot ou de rivages plus lointains, voire très lointains.
Le fonds (93 J) comprend la collection complète de la revue dont le premier numéro parait en 1991. Il regroupe – et c’est là le trait essentiel – les trois quarts des maquettes des première et deuxième séries (n°1-16 ; n°17-29/30), véritable travail d‘artisan et d’artiste dans ses premiers numéros. On peut y trouver – outre des reproductions photographiques – un certain nombre d’œuvres originales réalisées par Jean-François Maurice lui-même ou par d’autres créateurs avec lesquels il était en contact.
Pourquoi Gazogène ? « Outre le clin d’œil aux revues dadaïstes, Gazogène, c’est la guerre, le "système D", le bricolage, la survie ingénieuse, l’esprit de résistance… C’est le gaz pauvre par excellence, pauvre mais puissant » faisant avancer les « véhicules les plus lourds ». A partir de 1997, avec le n° 17, Gazogène revendique clairement sa ligne de conduite par le biais d’un sous-titre explicite : « Revue de l’art brut, singulier, outsider et des expressions marginales ».
C’est du moins ce qu’annonce le 1er numéro du fanzine tiré à 30 exemplaires*. Gazogène - « la plus petite revue du monde, diffusée dans le monde entier » - propose une « ballade subjective et hédoniste à la rencontre de sites et de personnages mal ou peu connus, pour ne pas dire inconnus » cf. n° 3. L’objectif de Jean-François Maurice est à nouveau clairement revendiqué dans le n° 6 : « dresser une carte subjective, affective et passionnelle, en un mot "poétique", du territoire de la création singulière, populaire, "brute" ». Ces « petits espaces de création populaire, vous en connaissez tous, comme vous avez tous vu ces singuliers de l’art, si proches et pourtant si lointains » explique-t-il. « Gazogène donne la parole à ceux qui en sont le plus souvent exclus, qu’ils soient peintres, sculpteurs, bâtisseurs… mais aussi conteurs, poètes, écrituristes prolétariens ou "fous littéraires" ».
* Au numéro suivant, Gazogène est tiré à 50 exemplaires. A partir du n° 6, le nombre monte à 150 ; du numéro 9 au 16, il varie entre 200 et 250. Avec le numéro 17, qui inaugure la deuxième série, le tirage atteint son rythme de croisière : 500 exemplaires.
« Avec ce numéro double [29/30], Gazogène boucle sa nouvelle série. Rappelons que du n° 1 au n° 16, je l’ai réalisé seul, en totalité : chaque texte était tapé sur ma vieille machine mécanique puis, comble du luxe, électrique. Une matrice était réalisée avec dessins, photographies, illustrations diverses. Ensuite l’ensemble était photocopié chez un imprimeur qui s’appelait M. Rimbaud, cela ne s’invente pas… Comme il allait céder son affaire, j’avais accès aux différents papiers en attente. J’ai ainsi pu user et abuser de papier couleur, de carton "peau d’éléphant" et des premières photocopies couleur. Ensuite, tout était fait à la main : classement, pliage, encartage, piquage car M. Rimbaud poussait la complaisance jusqu’à me prêter l’agrafeuse électrique de l’imprimerie […]. La revue tirée, il me fallait contre-coller les images couleur, cartes postales, enveloppes contenant lettres en fac-similé, affichettes et autres bizarreries […]. Puis ce fut le tournant. Nicole et Claude Detourbes – ce dernier aujourd’hui hélas disparu – organisèrent dans leur librairie Calligramme à Cahors une exposition consacrée à l’Art Brut. Le n° 16 de la revue devait servir de catalogue, me voici réalisant plus de 300 exemplaires ! Pari tenu. Mais la contrainte l’avait emporté sur le plaisir. A quelques temps de là, passant par Brassac, en Charente, je m’arrêtai aux éditions Plein Chant […]. Une nouvelle aventure commençait. Elle s’achève, sous cette forme, avec ce numéro. Un autre cycle va naître ».
A partir du n° 30 paru en 2010, Gazogène devient monographique, consacrant chaque numéro à un artiste – Marie Espalieu ; André Escard – ou un thème – les sources occultées de l’art brut ; la face cachée de l’art américain. La revue conserve son sous-titre : « La revue de l’art brut, des créations singulières, de l’art populaire et des expressions marginales ou bizarres ».