Accueil > Découvrir : Offre culturelle > Trésors d'archives > Un trousseau de mariée à Martel au XVIIe
Le document ici présenté provient du fonds de la famille Ayroles (98 J), lignée de notaires et de greffiers établie à Saint-Chignes, commune de Saignes, depuis le XVe siècle. Le fonds est constitué des archives personnelles et familiales des notaires Ayroles et de leurs alliés du XVIe au XIXe siècle. Ce contentieux autour de la dot de Jeanne figure parmi les documents isolés provenant des collatéraux de la famille (98 J 57).
Extrait des registres de la cour ordinaire de Martel. Le 16 avril 1640, Jean Fournié, bourgeois de la ville de Martel, et Anne d’Arcambal sa femme, sont assignés en justice suite à la plainte de leur fille, Jeanne Fournié, et leur beau-fils, Louis Albugues son époux. Ils comparaissent en audience devant « Anthoine Dumoyer Denis, avocat en la cour, coseigneur de Murel et juge suivi de la présente ville de Martel ». Chaque partie est représentée par un « procureur » : Jean Castanet, pour les parents, et le sieur Dupuy pour le jeune couple.
La pièce de procédure en main privée ici présentée est un acte privé, plus exactement une copie authentique de l’audience rendue à la famille : une grosse. Comme son nom l'indique, la grosse est une expédition rédigée dans une écriture large, permettant d’être plus lisible. Au contraire de la minute, rédigée dans une écriture serrée, qui elle est conservée par les greffiers de la cour de justice. Le document a donc la forme d’un cahier de plusieurs pages doubles, reliées par une couture, dont la graphie épaisse fait que chaque page ne comporte pas plus de 10 lignes de texte.
L’acte se compose essentiellement des transcriptions des déclarations orales des deux prévenus. Les faits sont racontés avec une grande richesse de détails, sous la forme de serments décisoires (aveux à valeur probatoire). Jean Fournié et son épouse Anne d’Arcambal, prêtent ainsi serment « sur la bible ointe et le livre touché ».
Louis Albugue, le plaignant, se présente seul et représente le jeune couple devant la cour, Jeanne Fournié sa femme étant « absente de la présente ville ».
Le litige porte sur le linge que les jeunes époux « soustiennent leur avoir été promis par lesdits Fournié et d’Arcambal pour partie de dot de ladite Jeanne qu’ils ont dit monter à la quantité d’une douzaine et demie de linseuls [draps], une nappe, deux douzaines de serviettes, deux longières [couverture qu’on met sur le pain qu’on porte au four ?], un coffre apprécié à la somme de douze livres et quelques autres meublements ».
Suite à leur requête initiale, Louis et Jeanne consentent à faire quelques concessions sur les conseils de leur procureur, le sieur Dupuy. Le nombre des draps est réduit de 18 à 12, celui des serviettes de 24 à 12. En revanche, la quantité de nappes augmente ! Désormais les jeunes époux en demandent 4. Il n’est plus question de « longières ». Côté ameublement, il n’est question que d’un coffre. Ainsi Jeanne et Louis ne réclament plus qu’une « douzaine de linceuls, quoy qu’il en ayent demandé une douzaine et demie, quatre nappes, savoir deux fines et deux grossières, une douzaine de serviettes, une douzaines de fines et l’autre de grossières, et un coffre ». Il est par ailleurs fait allusion à une « robe mentionnée dans leur demande » dont il n’avait pas été question jusque-là.
Le père déclare « n’avoir jamais fait aucune promesse particulière touchant ledit linge […] mais il a entendu que par le contrat de mariage dudit Albugue avec ladite fille Jeanne, que le linge constitué lui fut baillé à la discrétion de ladite d’Arcambal, sa femme à laquelle il s’en étoit remis entièrement lors de l’assemblée des parents pour contracter ledit mariage ». Il déclara avoir promis un coffre qu’il est prêt à délivrer « celui dont Jeanne sa fille auroit la clé avant son mariage pour y garder ses ardes » et n’en avoir promis d’autre. Pour la robe, « Fornié a dit suivant son serment, ne lui en avoir point promis que la nuptiale laquelle il fait faire à sa maison ». En ce qui regarde l’ameublement, « a dit n’en avoir jamais promis et que s’il y a pacte de cela, il s’en remet au contrat et à la discrétion de sa femme conformément audit contrat de mariage ».
La mère, Anne d’Arcambal, de son côté confirme que « ledit linge qu’il bailla à sa dite fille, avant la solemnisation dudit mariage, le linge qu’elle avoit intention de lui bailler, et qu’elle étoit tenue de bailler en égard à la portée de sa maison et du nombre de ses enfants, savoir six linceuls, savoir un linceul de lin, et cinq de bris de chanvre tout neufs, deux tours de lit de toile fait en serviettes, l’un desquels n’avoit point de franges, dont en estoit demi usé, et l’autre neuf, une nappe de la longueur de deux aulnes d’estouffes de lin, quatre serviettes de lin toutes neuves ». On apprend en outre qu’elle a donné à sa fille « avant la solemnisation dudit mariage, deux aulnes de toile de Bretagne et une demie de toile de Laval, pour faire les après des nopces, tant pour elle que pour ledit Albugue, encore un coussin sans y avoir rien dedans, estant vieux et demy usé ».
Au regard de la robe « a dit qu’il est fort véritable qu’elle avoit intention de faire une robe à sa fille Jeanne, du fil de la laine qu’elle avoit acheté » si celle-ci ne s’était point mariée « si prestement comme elle fit ». Anne d’Arcambal considère à présent que c’est au mari de Jeanne de l’habiller et non à ses parents. Elle aurait d’ailleurs entendu que « la robe nuptiale servit au lieu de l’autre ».
Pour le coffre, elle dit n‘en avoir jamais promis et déclare ne savoir si son mari l’a fait : « ne sait si ledit Fornier son mari en a promis ». Elle n’aurait pas non plus fait la promesse d’« autres meublements ».
Il est fait référence à « l’assemblée des parents pour contracter ledit mariage » où l’on s’accorde sur les termes du contrat de mariage et particulièrement ici sur les conditions de l’installation commune. L’acte notarié - le fameux contrat de mariage - n’est malheureusement pas présent dans le fonds Ayroles. On ne peut pas non plus le chercher dans les archives des notaires de Martel malheureusement lacunaires pour le XVIIe siècle ! C’est bien dommage, nous aurions des éléments importants pour mieux comprendre l’affaire…
C'est par ici !