Accueil > Découvrir : Offre culturelle > Nuits de la lecture > La peste : la peur de la contagion, 1628
Charles Bénédicty, notaire de Montcuq, évoque dans son « Livre de raison » la progression de l’épidémie de peste aux environs de Cahors durant l’été et l’automne 1628 et l’effroi qu’elle suscite. Rappelons-nous que la peste a frappé cycliquement la population depuis l’introduction du plus terrible épisode de ce fléau en Occident en 1347, et ce jusqu’à sa dernière apparition à Marseille en 1720.
« Le jeudi vingt deuxième juin audit an 1628, jour de la feste de Dieu, la maladie contagieuse et pistilancielle c’est prinse [déclarée] dans la ville de Caors, et sur le soir - encore bien que le bruit estoit qu’elle y estoit auparavant, mais qu’on le tenoit caché - où sont morts grand nombre de gens et la plupart des habitants quitèrent la ville.
Le dimanche vingt cinquième jour dudit mois de juin audit an 1628, ladite maladie c’est prinse à Castelnau et messieurs les consuls dudit Castelnau en donnèrent advis aux villes ; auquel lieu de Castelnau, j’y alla avec messire Pomies, recteur de Saint-Hilaire de Montcuq, le 29 dudit mois, jour de la feste de Saint-Pierre et Saint-Paul pour leur offrir acistance de la part de la ville.
Le mardi 5e dudit mois de juilhet audit an 1628, le sieur de Salvaterre a escript que ung serviteur de Roberet dudit Salvaterre estoit mort de ladite maladie pour avoir esté voir le filz dudit Roberet qui se tient près du Pouget à une méterie [près de Castelnau-Montratier]. Dieu, par sa sainte grace, nous veuille conserver ce lieu !
Le mardy 11e dudit mois de juillet a esté mandé de Saint-Pantaléon que deux filz du notère sont touchés de la peste et le mardy 5 dudit mois Frézal, baille dudit Saint-Pantaléon moreust à ung sien plantier [parcelle de jeunes plants de vigne] et sa fille qui estoit venue de Caors, le vendredy 23 après la feste de Dieu estoit morte qui leur charga le mal ; et après y morurent ung grand nombre de gens.
Le mardy 9 aoust 1628, la peste se prins à Lauzerte et un enfant y moreust aux fauxbourgs, son père ayant fréquenté [la ville de] Beaucaire où la peste estoit depuis quinze jours. Messieurs Pleisse, Carla, Frézal et moy feusmes ledit jour à Lauzerte pour savoir l’estat de leur santé.
Et la maladie c’éstoit prinze à Moissac huit à neuf jours auparavant où y sont morts un grand nombre de gens…
[…]
Le mercredi pénultième d’aoust 1628, la femme de Anthoine Vilhard Morguet, mon notaire de Bagat, est morte et a esté vizitée par Pierre Chalaret, maître chirurgien, où a esté treuvé sur son estomac et espaules diverses taches noires où par ce moien on a jugé qu’il y a du venin et que la maladie contagieuse y est meslée. Et m’a esté injoint de demeurer enfermé dedans ma maison avec ma famille, ce qu’a esté fait jusque au 9e de septembre ; et après m’auroit falheu quiter ma maison et allé au lieu de Bru, paroisse de Saint-Daunès, maison de maître Jacques Iches, notère, et Thomas Bru* est demeuré jusque au lundi second d’octobre sur le soir, et ma mère faulust que se retirat à la maison de la Mole à cause que Jeanne de Vilhard, fille dudit Morguet seroit morte huit jours après de la contagion, ayant tenu secret la mort et par ce moien nous serions infectés ».
* Sans doute l’époux de Jeanne de Vilhard