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" La nuit des Quatre-Temps ", conte recueilli en 1900 mais intemporel...

Archives départementales du Lot : 3/574

Le temps de la jeunesse jamais ne revient

Ce récit a été recueilli en 1900 par un écolier de l’école de Loze, dans le Tarn-et-Garonne, à côté de Saint-Projet, sous l’impulsion de l’ethnographe Antonin Perbosc. Ce grand réformateur de la langue d’Oc a commencé sa carrière en 1881 comme instituteur, avant de prendre la direction de la Bibliothèque de la ville de Montauban en 1912.
« La nuit des Quatre-Temps » est un grand classique du conte de tradition orale, très répandu en domaine Occitan.

La nuit des Quatre-Temps ou les farisques-farasques de la vieille 

Une fois, il y avait une vieille qui avait sept barils de louis d’or. Chaque matin, elle les répandait au soleil afin de les empêcher de moisir.
Voilà qu’un matin passe un jeune homme à cheval qui lui dit :
- Hé ! que faites-vous la vieille ?
- Vieille ! Vieille ! Il y en a de plus vieilles que moi et il y a beaucoup de jeunes qui voudraient être à ma place, allez !
- C’est possible, mais qu’est-ce que c’est que vous épandez au soleil ?
- Hé ! vous le voyez bien ! je remue ces farisques-farasques afin qu’elles ne moisissent pas.
- Si vous vouliez me les donner, moi, je vous les démoisirai bien.
- Hé ! pardi, je vous les donnerai bien, mais il faut que vous me preniez en mariage.
- Eh bien ! nous nous marierons. Je viendrai vous quérir la nuit des Quatre-Temps.
Cette vieille avait avec elle sa jeune nièce. Un soir elle lui dit :
- Petite nièce, petite nièce, va-t’en voir le temps qu’il fait.
La petite nièce alla devant la porte et dit :
- L’estournique clique grand-mère [autrement dit : le vent agite la girouette]
- Va-t’en au lit. Ce soir n’est pas mon soir.
Un autre soir, elle redit :
- Petite nièce, petite nièce, va-t’en voir le temps qu’il fait.
- Il tonne et il fait des éclairs grand’mère.
- Va-t’en au lit. Ce soir n’est pas mon soir.
Un autre soir, elle redit :
- Petite nièce, petite nièce, va-t’en voir le temps qu’il fait.
- Il tonne, il fait des éclairs et il vente grand’mère.
- Va-t’en au lit. Ce soir n’est pas mon soir.
Un autre soir, elle redit :
- Petite nièce, petite nièce, va-t’en voir le temps qu’il fait.
-Il tonne, il fait des éclairs, il vente et il pleut grand’mère.
-Petite nièce, petite nièce, cherche-moi mes pantoufles. Ce soir est bien mon soir !
La vieille et la petite nièce prirent une petite chandelle et se mirent en chemin.
Quand elles furent un peu loin, elles virent quatre lumières qui luisaient.
- Petite nièce, petite nièce, c’est mon galant qui vient me quérir.
Quand elles furent plus loin, elles virent que ces lumières étaient les yeux de deux loups.
Ces loups affamés sautèrent sur la vieille. Alors le galant à cheval qui suivait les loups, leur dit :
- Tout doux, mes bons amis ! il y en a bien assez pour tous.
Le galant prit la petite nièce à bras le corps sur son cheval, et les loups, cric, crac, triturèrent et avalèrent la vieille, os et tout.
Le galant et la petite nièce se marièrent et firent bonne vie avec les farisques-farasques de la vieille.

Antonin Perbosc, Contes de Gascogne. Illustrations d’Arsène Lecoq, Paris, éditions Erasme,1954.
Contes rassemblés par la petite-fille d’A. Perbosc : Suzanne Cézerac, pages 85-88. AD du Lot : 3/574.

La jeunesse qui jamais ne revient en chanson

Le thème du temps de la jeunesse qui jamais ne revient fait également l’objet d’un chant tout aussi répandu sous le titre « La vieille ».

Une vieille donc, de 80 ans passés, se fait toute belle pour aller danser et trouver un jeune galant. Elle lui promet de faire de lui un riche marchand. Le mariage ne dure guère : le lundi ils se fiancent, le mardi ils s’épousent, le mercredi elle tombe malade, le jeudi on l’enterre ; le vendredi, on célèbre la neuvaine, le samedi le « bout de l’an »… Et le jeune homme du cimetière revenant s’exclame : Aux dépens de la vieille [avec son magot] j’en aurai une de 20 ans ! cf. la collecte de l’abbé François-Maurice Lacoste effectuée au tournant du XIXe et du XXe siècle.
Dans la version publiée par E. Soleville (1889), la « vieille de Monclar » (Tarn-et-Garonne) de son côté court les veillées, croyant avoir 20 ans et subit le même sort.  A noter toutefois que dans la cassette, on ne trouve cette fois que trois cheveux blancs. En matière de littérature orale, cette concomitance entre sphère du chant et domaine du narratif est assez rare.
Par ailleurs, si d’aventure, un « fondeur de vieilles » vous propose contre argent de vous faire rajeunir, prenez garde ! En place de vous faire perdre 40 ou 50 ans, il vous fera tout simplement fondre dans un chaudron ou cuire dans un four à pain… après vous avoir pris tout votre argent, bien-sûr.

Références

  • François-Maurice Lacoste : Choses du Quercy. Vieux chants Quercynois. L’intégralité de ces chants conservés à la Bibliothèque patrimoniale du Grand Cahors (Ms 112 pour le 1er tome, 1915, et 113 pour le 2e,1920) ont été publiés par l’AMTP Quercy en 4 tomes aux éditions édicausse, 2021 et 2022 : Vieux chants quercynois recueillis et notés vers 1900 par l’abbé Lacoste. On peut lire La Vièlha dans le tome 2, pages 54-55  (AD du Lot : BR1/1614).
  • Chants populaires du Bas-Quercy recueillis et notés par Emmanuel Soleville, Paris, H. Champion, 1889, pages 68-70  (AD du Lot : 2/1161).
  • On peut aussi lire « La vielha de Caussade » à qui il arrive les mêmes mésaventures cf. Bulletin de la Société des études du Lot, tome 62, 3e fascicule de 1941, page 204 (avec une transcription de Jean de Boisjoslin).

 

 



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