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Cultiver la courtoisie : l'art de la civilité, selon son rang, 1774

Archives départementales du Lot : J 3114 page 43

Soigner son maintien et les manières de se comporter en société

Les préceptes ici présentés sont extraits de l’un des nombreux traités de civilité à destination des enfants très en vogue depuis le XVIe siècle. C’est en effet Erasme qui, en 1530, inaugure ce genre littéraire nouveau en publiant la Civilité puérile. Le corps est l’une des grandes préoccupations de la Renaissance, un corps et des manières corporelles qu’il s’agit d’assagir, de polir, bref de « civiliser ». Courtoisie, politesse, maintien et soins d’hygiène y sont décrits par le menu.
Le traité de civilité d’Erasme sera repris au fil du siècle, utilisé et augmenté par de doctes religieux et continuera à faire florès au XVIIe et XVIIIe siècles au gré de multiples rééditions. Ces ouvrages constituent un support à la lecture et se substituent à l’instruction durant tout l’Ancien Régime.
Nous vous faisons grâce de la manière de se moucher, cracher, éternuer et autres expectorations sans manquer à la civilité… Nous avons par ailleurs fait l’impasse sur la manière de se mettre à table et de manger qui occupe de longues pages !

Manière de se comporter en marchant dans la rue p. 24

Donnez-vous bien de garde que vos bas ne tombent point faute d’estre attachez ou que vostre chemise ne passe pas quelqu’endroits, ce qui donneroit sujet de rire à ceux qui vous voirraient en cet état.
Ne marchez pas si doucement qu’il semble que vous comptiez vos pas et ne vous pressez pas si fort comme si on vous chassoit ; que vostre marche ne soit ni trop lente ni trop précipitée.
Ne branlez pas les épaules comme les balanciers d’une horloge en vous carrant car c’est la marque d’une superbe et d’une personne qui s’en fait accroire.
Ne courez pas par les rues en sautant et dandinant, cela n’est pas pardonnable à aucun enfant qui fait profession de bienséance.
C’est contre la civilité de manger par les rues,  de trainer ses pieds en marchant, d’avoir les mains pendantes contre terre et branler les bras comme si c’étoit des balanciers.
Ne marchez point sur la pointe des pieds, ni en dansant, et n’entretouchez pas vos talons ; encore moins ne donnez pas du pied contre les cailloux, comme si vous les vouliez déplacer.
Il n’est pas honneste de montrer les mains derrière le dos en marchant, c’est toujours la marque des gens oisifs, ainsi il ne faut pas les imiter.

Du maintien extérieur p. 40

Il ne faut point baisser le dos comme si vous aviez un grand fardeau sur les épaules, mais tenez-vous toujours droit, et accoutumez-vous à cette posture.
Ne mettez pas votre chapeau sur l’oreille, ni trop sur le devant de la teste comme si vous vouliez cacher votre visage.
Portez vos habits toujours bien boutonnez.
Ne mettez pas les bras au côté comme ces femmes qui sont en colère, et qui disent des injures à leurs voisins.
Il est incivil de branler les jambes quand on est assis, comme font les petits enfants.
Il ne faut pas aussi mettre une jambe sur l’autre, cela n’appartient qu’aux grands seigneurs et aux maistres, mais tenez-les fermes et arretté les pieds également joints, et n’en croisez l’une sur l’autre.
Tachez d’imiter les façons de faire des honnestes gens, ils sont pour vous des règles de civilité.

De la manière de se comporter auprès du feu p. 44

Apprenez à vous comporter auprès du feu comme en toutes les autres rencontres.
L’honnesteté veut que l’on cède toujours la place la plus honorable et la plus commode aux personnes de plus grand mérite.
La place d’honneur est celle du milieu – quoiqu’à présens dans les familles, celle du coin qui regarde la porte soit celle d’ordinaire que le maistre choisit – pour voir ceux qui entrent et qui sortent ; mais on doit laisser le choix de la place à celui à qui l’on veut faire honneur.
Ne vous approchez pas si près du feu, crainte de vous brûler les jambes, et ne mettez pas les mains dans la flame.
Touchez au feu sans cesse pour approcher les tisons les uns des autres, ou pour changer la position du feu, c’est une marque d’un esprit brouillon qui ne peut se tenir en repos.
En honneste compagnie vous ne devez pas tourner le dos au feu ; et si quelqu’un se donnoit cette liberté à cause de la prééminence, il ne faudroit pas les imiter.
La charité, ainsi que la civilité, veut que l’on fasse place à ceux qui entrent, et que l’on s’incommode un peu en faveur de ceux qui ont besoin de se chauffer. 
Si l’on jette dans le feu quelque chose par exprès, il est incivil de le retirer pour quelque raison que ce puisse estre.

La manière de saluer en se rencontrant p. 37

Si dans le chemin vous rencontrez une personne qui vous semble de mérite, ou par son âge ou par sa qualité, vous la saluerez sans que vous la connoissiez particulièrement.
Il ne faut pas qu’un enfant fasse de difficulté de saluer les personnes qu’il rencontre, surtout si ces rencontres ne sont pas fréquentes, parce qu’il y a de l’honneur à honorer les autres.
L’usage de Paris est de ne saluer que ceux que l‘on connoist, à cause du luxe qui y règne, et où la qualité des personnes est méconnoissable ; il ne faut pas néanmoins refuser ce devoir aux ecclésiastiques et aux religieux.
Si une personne vous salue, il faut le lui rendre avec civilité, pourvu néanmoins qu’elle ne vous soit pas tout à fait inférieure. Il ne faut pas dire à toutes personnes comment vous portez-vous, mais seulement à ceux qui vous sont à peu près semblables et que vous connoissez particulièrement.
Quand vous rencontrerez une personne au-dessus de vous, donnez-lui le haut bout [c'est-à-dire la place la plus honorable*].
Il ne convient point de dire à une personne, Monsieur, couvrez-vous, si ce n’est votre inférieur ; à vos semblables, vous pouvez dire couvrons-nous.

Extraits de la Civilité puérile pour instruction des enfants dressée par un missionnaire avec des préceptes et instructions pour apprendre à la jeunesse à se bien conduire dans les compagnies, imprimé à Paris en 1774 : J 3114.

A noter :  Ce traité de civilité est suivi de "Quatrains du seigneur de Pybrac, conseiller du roi" et d'un "Nouveau traité d’orthographe".

Le Trésor des enfants (Morale-Vertu-Civilité) par Pierre Blanchard, 9e édition, Paris, 1810, est plus explicite : « Retirez-vous tant soit peu au milieu de la rue : on est convenu que c’était une marque de déférence »


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