Accueil > Découvrir : Offre culturelle > Nuits de la lecture 2025 > Le défilé du boeuf gras de 1867 ; Un ensorcellement en 1868
Joseph Daymard, né 1846 à Sérignac où son père est notaire, sort de l’ Ecole centrale des Arts et manufactures de Paris avec un diplôme d’ingénieur en poche en 1869. Il choisit de rentrer en son Quercy natal en 1874 "faire du notariat" avec son père à Sérignac et de la "politique républicaine militante" confie-t-il dans son récit autobiographique, Le livre de ma vie. Il joue effectivement un rôle déterminant dans la préparation des élections sénatoriales de 1879.
Directeur de la succursale du Crédit foncier du Lot de 1886 à 1914, ses deux mandats municipaux à Cahors de 1888 à 1896 en feront un membre actif de nombreux comités économiques ou sociaux de la ville. En 1925, il sera promu chevalier de la légion d'honneur en sa qualité de vice-président du comité des directeurs de la Caisse d'épargne de Cahors.
Vers la fin de sa vie, J. Daymard éprouve le besoin de coucher par écrit le récit de sa vie. Le texte, vraisemblablement été écrit à partir de 1931, fait partie du fonds Guilhamon* (28 J 11). C'est là qu'on peut suivre la part très active qu'il a pris à la vie de la cité et du département tant en matière politique, économique, sociale que culturelle. Pour preuve, J. Daymard a fait partie d'une trentaine de commissions, comités ou sociétés !
Il est notamment l'un des pionniers de la promotion du tourisme dans le Lot. C'est à lui que l'on doit l'ouvrage qui fait toujours référence sur Le vieux Cahors dont la première édition date de 1909, revu et complété en 1927, mais aussi et surtout, le fabuleux recueil des Vieux chants populaires du Quercy, paru en 1889.
Le livre de ma vie * de Joseph Daymard retrace l’activité intense de cet érudit mais aussi des notations plus anecdotiques dont voici deux extraits. Le premier rapporte la description du défilé du bœuf gras à Cahors durant le carnaval de 1867 (donnant à voir la consommation de viande de boucherie à venir avant la période de jeune du carême) ; le second d’un tout autre ordre, relate un récit de désorcellement. On trouve un ici un trait caractéristique montrant qu’un sort a été jeté sur une personne : la présence d’objets insolites dans la couette ou l’oreiller de son lit, avec notamment des entremêlements, des plumes nouées faisant apparaitre des figures singulières.
* Henri Guilhamon (1891-1984) : professeur d’histoire à Rodez, Cahors, puis proviseur dans les Landes. Membre de la Société des études du Lot de 1913 à sa mort. Spécialiste du XIIIe siècle, il est notamment l’éditeur et le commentateur du Journal des voyages en Haute-Guyenne de J.-F. Henry de Richeprey (2 tomes parus en 1952 et 1967, AD du Lot : 2/227 et 228). Henri Guilhamon et Joseph Daymard sont cousins.
* Le texte ici présenté est une copie effectuée par H. Guilhamon sur deux cahiers d’écoliers de l’original alors conservé par le petit-fils de Joseph Daymard, Pierre Lasserre, docteur à Toulouse.
« 4 mars. Je vois passer sur le boulevard le défilé du Bœuf gras. En tête marche un tambour major escorté de douze tambours déguisés en sauvages, puis viennent dix danseurs masqués et hauts de quatre mètres, puis trente cavaliers musiciens déguisés en brigands de Calabre, puis une voiture ayant la forme d’une marmite, réclame des pastilles Rosièzes, puis le char des agneaux, celui des singes et celui des déesses, puis une voiture portant deux bouchers déguisés en hercules, puis une voiture portant le propriétaire-éleveur du bœuf gras, puis le char traîné par quatre chevaux blancs, portant le bœuf gras, acosté d’un fermier, d’une fermière et d’un bouvier couronné de lauriers. »
« Dans le mois de juillet 1868, un fait curieux se passe à Sérignac. Le sieur Gardes, du Saltrou, âgé de 30 ans, tombe malade, l’esprit détraqué, ensorcelé. Dans la coëtte de son lit, on trouve des objets bizarres, des graines de plusieurs espèces, des plumes attachées avec des
feuilles de maïs, des pierres noires, une espèce de poupée en plumes, avec un foulard rouge
autour du cou et une jupe, de la taille d’un enfant de huit ans, etc. On met le tout dans un drap de lit. Le père Gardes va chercher à Cahors une sorcière notoire. Elle commence par faire le tour de la maison en l’aspergeant d’eau bénite, puis elle met une tête de mouton piquée de 36 clous de girofle dans une marmite en fer et ordonne qu’on la chauffe à grand feu, pendant deux heures, pendant lesquelles elle dit des prières, puis elle la fait jeter dans un lac, ce qui produit une détonation formidable. Elle dit que c’est le démon qui rage. Puis elle met un coq vivant entre deux chandelles avec du maïs et de l’eau ; suivant qu’il commencera par boire ou par manger, Gardes aura pris son mal en buvant ou en mangeant, mais le coq ne fait ni l’un, ni l’autre. Alors le mal a été pris en respirant et la guérison sera très longue. La sorcière repart après avoir ordonné d’aller jeter dans le Lot le drap de lit contenant les objets contenus dans la coëtte. Gardes fut guéri après quelques mois. Beaucoup de voisins ont vu ces choses. »